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Plage de la Conche des baleines à l'île de Ré

Les plages de la Conche des Baleines et de Couny à l’île de Ré. Un film pour histoire

Le mercredi 21 septembre 2016, sur la plage de la Conche des Baleines (commune de Saint-Clément-des-Baleines dans l’île de Ré), commence un chantier de plusieurs mois au cours duquel 4 blockhaus (2 sur cette plage et 2 sur celle de Couny qui est située dans son prolongement) seront démantelés à l’aide de briseurs hydrauliques. Imposant, le chantier s’élève à 275 000 euros ; il est financé par le produit de l’écotaxe. Quant aux 1 000 tonnes de béton de chaque blockhaus, elles seront réutilisées pour construire un digue de protection sur la plage de Saint-Clément. Trois années auparavant, les tempêtes hivernales de 2013 et 2014 avaient endommagé le cordon dunaire et conduit la municipalité à installer, en juin 2014, un escalier à contrepoids pour franchir la dune afin de rejoindre la plage… Mais, dans le courant du mois de novembre qui suivait, l’escalier était démonté pour permettre à la plage de se réensabler. De cette expérience et des études menées sur le terrain a découlé le constat que, contrairement à ce que l’on pensait, les blockhaus ne consolident pas la dune mais l’affaiblissent, entraînant notamment le sable dans leur déplacement, mais accélérant aussi la circulation du vent et de l’eau, avec pour conséquence la formation de cavités sous les constructions. 

En dépit du danger que représentent ces constructions, des voix s’élèvent alors pour s’inquiéter de la disparition de traces d’un passé pluriel qui, certes, est celui de la présence allemande, mais qui est aussi celui du tournage d’un film internationalement connu, Le Jour le plus long (The longest Day, 1962), qui a d’ailleurs donné son nom au chemin d’accès à la plage, le Pas de Zanuck. Le film semble avoir tant marqué les esprits que les souvenirs qu’en a laissés son tournage à l’île de Ré (précisément à Saint-Clément-des-Baleines et à Rivedoux) font régulièrement l’objet de rappels dans la presse régionale ainsi que dans les supports de communication de l’île. Ainsi voit-on s’entremêler le passé et les représentations cinématographiques de celui-ci, en interaction avec des considérations environnementales. Dans ce contexte, les bunkers deviennent les acteurs d’un récit dont les strates temporelles collent à l’évolution de préoccupations sociales qui sont en lien avec les caractéristiques d’un territoire touristique.

Aux origines

Le Jour le plus long est un film américain en noir et blanc dont le tournage a duré une année (entre le mois de mai 1961 et le mois de juin 1962) et qui est sorti sur les écrans en octobre 1962. Il a été réalisé par une équipe composée de professionnels de plusieurs pays : le Britannique Ken Annakin (1914-2009), le Hongrois Andrew Marton (1904-1992), l’Allemand Bernhard Wicki (1919-2000), l’américano-germanique Gerd Oswald (1919-1989) et l’Américain Darryl F. Zanuck (1902-1979) qui en aussi est le producteur et maître d’œuvre. À cette équipe et aux acteurs1 internationaux dont beaucoup très connus (Arletty, Bourvil, Richard Burton, Pauline Carton, Henry Fonda, Curd Jürgens, John Wayne…), il faut ajouter des scénaristes réputés tels Cornélius Ryan (1920-1974), auteur du livre qui est à l’origine du projet, les écrivains Romain Gary (1914-1980) ou Erich Maria Remarque (1898-1970), des conseillers militaires (à l’instar du capitaine de Frégate Philippe Kieffer) et des conseillers techniques reconnus. En 1963, il obtient deux Oscars : l’un pour les effets spéciaux, l’autre pour la photographie.

Le Jour le plus long s’appuie sur un livre au titre éponyme, paru en 1959, qui est le fruit d’une vaste enquête menée par l’ancien correspondant de guerre irlando-américain, Cornelius Ryan. L’ouvrage retrace la chronologie du débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944, ainsi que celle des décisions de la veille. Pour cela, l’auteur a interrogé des correspondants de guerre et des milliers d’acteurs de l’opération Overlord ou bataille de Normandie, son intention étant d’approcher la vérité des faits. Le livre a été vendu à 30 millions d’exemplaires. Darryl F. Zanuck en attend tout autant de son film pour lequel il imagine la réalisation d’une fresque spectaculaire « avec le dessein de réaliser le film de guerre le plus authentique et le plus réaliste de l’histoire du cinéma »2. Dans ses grandes lignes, cette épopée – d’une durée de trois heures – fait alterner le point de vue des Alliés et celui des Allemands, donnant à voir une narration chorale, largement centrée sur l’héroïsme et le sacrifice ainsi que sur la coopération. Ainsi se déploie une version quelque peu « arrangée » de l’histoire. Orchestrée par Darryl F. Zanuck, cette liberté vis-à-vis des faits dérange d’ailleurs Cornélius Ryan qui, comme pour son ouvrage, a l’ambition d’être au plus près de la vérité tandis que le producteur promeut une vision personnelle de ce que serait une guerre juste :  

« Comme bien d’autres réalisateurs confrontés au genre historique, il a voulu donner à son œuvre l’apparence d’un film documentaire dans le souci du détail vrai, l’emploi d’acteurs de nationalités différentes et le choix de tourner en noir et blanc à l’heure où s’imposait la couleur. Dans le même temps, Zanuck s’est arrogé une liberté assez considérable avec les événements pour mieux imposer un discours militant à grand renfort de dramaturgie. En l’occurrence, il s’agissait de glorifier la force des démocraties unies dans la défense de la Liberté, auparavant face à la barbarie nazie, au début des années 1960 face au péril communiste. Ce regard posé par le réalisateur des Raisins de la colère est donc une licence artistique qui se préoccupe avant tout de donner au spectateur l’illusion d’une réalité plutôt que lui présenter une vision fidèle au passé, ce qui au demeurant l’opposa à l’auteur du livre, plus soucieux de véracité historique »3.

Le film étant tourné pendant la guerre froide, son scénario n’échappe pas aux conflits entre blocs et tait toute évocation du rôle que les troupes soviétiques ont pu jouer, avant le débarquement, sur le front de l’est. D’ailleurs, hasard du calendrier politique, quelques jours après la sortie du film sur les écrans, surgit la crise des missiles de Cuba… Entre les 14 et 28 octobre 1962 en effet, les États-Unis et l’Union soviétique s’affrontent après que cette dernière ait installé à Cuba des missiles pointant sur les États-Unis.

Toujours est-il qu’avant même la sortie du film, celui-ci fait parler de lui. En France, des reportages sont préparés, tel celui de la 11e édition des Échos du Cinéma (diffusée le 1er janvier 1961) dans lequel plusieurs personnalités sont interviewées par Claude Le Gac dont Darryl F. Zanuck – filmé devant le casino de Ouistreham – qui parle notamment du coût de la production mais sans en donner les chiffres (le film a coûté 10 millions de dollars dont 2 provenant de la fortune personnelle du producteur) et des aides reçues, dont celles importantes des armées. Mais il aborde aussi la visée morale de l’intrigue dont il explique vouloir montrer que la victoire a résulté de l’entente entre pays et que ce message doit être adressé à la jeunesse, plus encore en ce début des années 1960, marqué par d’importantes crises politiques. Les réponses qu’il apporte à Claude Le Gac font écho à d’autres entretiens où le producteur explique la dimension exemplaire du débarquement de Normandie et celle du sacrifice des hommes qui se sont battus au péril de leur vie pour faire advenir la liberté. C’est notamment ce que commente Nicolas Aubin (2024) dans son ouvrage Le Débarquement. Vérités et légendes4 où il corrèle le récit filmique aux intentions du producteur :

« Et c’est dans cet esprit que le film se concentre à la fin sur la seule plage d’Omaha. Il permet d’accréditer la thèse d’un combat désespéré d’une poignée de GI qui n’ont que leur courage à opposer aux mitrailleuses allemandes. Ainsi, la victoire ne s’explique plus par l’encombrante supériorité matérielle alliée, mais par l’esprit de sacrifice de quelques individus, des valeurs plus conformes aux représentations populaires. Cette focale a aussi le mérite de renforcer la tension dramatique, puisque du sort de cette plage dépend le Débarquement, et du Débarquement la victoire ».

Entre autres interviews recueillies dans cette édition des Échos du Cinéma, on entend celle de Philippe Kieffer (1899-1962) qui, pendant le débarquement, était à la tête des commandos Kieffer qui se sont distingués par plusieurs faits d’armes. Lui aussi espère que le film aura une visée politique et pédagogique importante pour que, plus jamais, de tels conflits ne surgissent5. Connaissant des problèmes de santé depuis plusieurs années, Philippe Kieffer décèdera quelques semaines après la sortie du film.

Dans les reportages qui sont diffusés à la télévision, de la curiosité s’exprime en même temps qu’une admiration pour les héros du débarquement et une attente vis-à-vis des représentations cinématographiques qui en sont proposées. Dans un reportage filmé lui aussi en 1961 sur les lieux d’un tournage, en l’occurrence à la Ferté Alais (Essonne), on voit décoller des avions Spitfire6 ainsi que la première scène du film dans laquelle ceux-ci attaquent l’armée allemande. Le ton du journaliste Claude Thomas est admiratif en même temps qu’amusé. Lui comme ses confrères dans d’autres reportages présentent ce film comme étant un grand un événement cinématographique. La conclusion de cette séquence est d’ailleurs une invitation à se rendre dans les salles de cinéma l’année suivante : « Pour la suite, rendez-vous la saison prochaine, sur grand écran ! ».

Un film au plus près des faits ?

Lors de la sortie du Jour le plus long, en octobre 1962, sa réception est à la hauteur des attentes. Très vite, il est en tête du box-office, ne serait-ce qu’aux États-Unis ou en France, et cela pendant plusieurs mois. En cette période de tensions internationales, parler de l’héroïsme militaire participe d’une stratégie bien orchestrée. En atteste l’organisation, quelques jours avant la présence du film sur les écrans (le 25 septembre 1962), d’un gala de bienfaisance au Palais de Chaillot à Paris. L’armée française – qui a été fortement mobilisée pour le film (2 000 soldats environ ont été mis à disposition de la production quand bien même l’Armée est-elle mobilisée en Algérie !) – y occupe une place de choix. Dans un article de La Revue historique des Armées, Stéphane Launey (2014 : 71-82) raconte,

« ce gala de bienfaisance, au profit d’œuvres diverses, se déroule sous la présidence de Pierre Messmer, ministre des Armées, et Raymond Triboulet, ministre des Anciens combattants. Serge de Poligny, homme de théâtre et de cinéma, est chargé de la mise en scène d’un spectacle avec la participation d’un millier d’hommes environ, provenant des trois armes et de la gendarmerie […]. ».

Cette soirée signe « la fin d’une riche collaboration [de l’armée] avec Darryl F. Zanuck, et sa société, sur le Jour plus long, considéré à l’époque comme le plus grand film de guerre jamais tourné. » (ibid.). Stéphane Launey dépeint le cadre et le contexte de cette collaboration. Revenant sur l’ouvrage qui est à l’origine du film, il précise que, dans les pages de celui-ci, la participation française au débarquement, même mineure, n’est pas évoquée. Un aspect qui est modifié dans la version cinématographique, quitte à consentir à quelques arrangements avec les faits.

Un retour en arrière permet de comprendre les raisons de cette transformation. Darryl F. Zanuck n’est pas le premier à s’être intéressé à l’ouvrage de Cornelius Ryan. Stéphane Launey revient sur la chronologie de cette histoire, restituant de la sorte un pan moins connu de l’origine du film. C’est le producteur, scénariste et réalisateur belge, Raoul Lévy (1922-1966), qui en achète en premier les droits et se lance dans des pourparlers avec l’Armée. Mais, parmi d’autres raisons, la difficulté à trouver les financements suffisants pour la réalisation du film le pousse à les revendre à Darryl F. Zanuck. Dès le départ, le producteur américain tient à se rendre sur les lieux du débarquement pour filmer l’arrivée des troupes alliées sur les plages. Il tient aussi à ce que le film soit tourné en noir et blanc7 pour intégrer des scènes d’archives et apporter un surcroît de réalisme à l’ensemble. S’adressant au général de l’US Air force, Lauris Norstad (1907-1988), il s’interroge également sur les modalités que prendra la coopération avec le Pentagone. En effet, celle-ci est habituelle aux États-Unis, moyennant toutefois un droit de regard des militaires sur les scénarios. Or, les tensions que connaît la ville de Berlin avec la construction du Mur (juin 1961-août 1961) conduit le Pentagone à revoir à la baisse sa participation. Des 700 soldats censés être mis à la disposition de l’équipe de tournage, ne restent que 250 hommes. Un chiffre insuffisant pour honorer l’ambition du producteur. Conseil lui est alors donné de négocier avec les armées des pays concernés. Et c’est là qu’intervient notamment la présence de l’Armée française dans le film et l’effet de celle-ci sur le récit. En effet, comment solliciter et faire participer les Français si une place substantielle ne leur est pas donnée dans le scénario ? Finalement et notamment sous la houlette de Romain Gary, l’armée française figure en bonne place dans le film et quelques 1 700 figurants se déplacent par exemple depuis la base aérienne de Saintes en Charente-Maritime. En remerciements, Darryl F. Zanuck offrira à cette base une salle de cinéma qui, depuis son inauguration le 29 octobre 1962, a pour nom le titre du film.

Mais l’influence militaire passe aussi par un homme, le général Koenig (1898-1970), déjà mobilisé dans le projet de Raoul Lévy. Ce dernier joue un rôle important dans les discussions, défendant notamment « la participation de commandos de marine pour figurer une partie des troupes du commandant Kieffer dans la libération de Ouistreham » (ibid.)8. Dans une citation du général Koenig, rappelée lors de la soirée de gala au Palais de Chaillot et que Stéphane Launey (ibid.) mentionne, les enjeux du moment sont clairement explicités :

« Quant au luxueux programme du gala, il met en bonne place à la fois l’appel du général de Gaulle, radiodiffusé de Londres la journée du 6 juin en fin d’après-midi, et un texte du général Pierre Koenig, conseiller militaire sur le film. Ce dernier rend hommage à l’audace et à la stature de chef du général Eisenhower, commandant suprême de l’opération Overlord. Avant de conclure sur sa vision personnelle du film : “Nous allons ensemble revivre les actions harassantes des exécutants alliés, en uniforme et sans uniformes, au cours de ces premières vingt-quatre interminables heures. Nous penserons avec une infinie reconnaissance à tous ceux qui laissèrent leur vie sur nos plages de Normandie, dans les landes bretonnes et dans les maquis, après avoir éperdument combattu” ».

Dépeint comme étant une représentation objective du débarquement et des heures qui l’ont précédé, ce film n’en est pas moins le produit de négociations avec les parties en présence. Il colle également à la vision et aux valeurs de Darryl F. Zanuck, s’éloignant en cela de l’ouvrage dont il s’inspire. Ainsi ce film à grand succès présente-t-il aux yeux du monde un débarquement qui prône la célébration, comme l’écrit Frédérique Baillon (2022), « des valeurs libérales, de la solidarité, du respect de la hiérarchie militaire et du sacrifice commun défendus au front ». Et c’est cette représentation qui dominera pendant des décennies, comme on peut par exemple le lire sur le site de France Culture (« Comment Le Jour le plus long a façonné notre imaginaire du Débarquement… et ses clichés », 5 juin 2024) :

« Le Jour le plus long a imprimé son empreinte dans la longue durée sur l’image que l’on se fait du Débarquement. Plus de soixante ans après la sortie du film de Darryl Zanuck, en 1962, il reste le grand classique du cinéma sur l’opération Overlord, et était encore diffusé en prime time à la télévision à la veille des cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement. Pourtant, nombre d’idées reçues toujours prospères sur le 6 juin 1944 et la chute du nazisme puisent directement dans ce film de trois heures qui reste d’abord… un film de son temps. C’est-à-dire un film enraciné dans la Guerre froide, et l’hégémonie d’Hollywood, dont les studios sont parvenus à infléchir le récit historique, conférant au D-Day du 6 juin 1944 une sacralité, et un souffle épique qui restent à déconstruire ».

Du tournage à sa mémorialisation

Le Jour le plus long n’a pas été tourné sur les plages du débarquement. Outre le tournage de scènes dans les studios de Boulogne-Billancourt, d’autres plages que celles historiques ont donc servi de décor au film. En effet, les plages du débarquement ayant changé depuis 1944, notamment du fait de l’aménagement des littoraux, d’autre sites ont été choisis et des constructions ont parfois été ajoutées à celles d’origine. Ainsi plusieurs lieux ont-ils bénéficié de la notoriété du film et ont-ils été par la suite visités pour le témoignage historique qu’ils livrent autant que pour celui cinématographique qui les caractérise. Car outre les lieux de tournage (Caen, Bénouville, Saint-Mère-Église) qui correspondent à des faits qui s’y sont déroulés, même si ceux-ci sont quelque peu transformés9, d’autres collent à la représentation qu’en souhaitent les réalisateurs. C’est le cas de la batterie de Longues-sur-Mer (Calvados) qui, tout en étant située entre Omaha Beach et Gold Beach et tout en ayant joué un rôle important dans ce cadre, n’a été prise que le lendemain du jour J par les Alliés. Dans le film, la scène où le débarquement est repéré par un officier allemand est filmée depuis le poste de commandement de tir de ce site. En réalité, l’observation s’est faite depuis le poste de commandement de la batterie de Crisbecq (ou batterie de Saint-Marcouf, à 70 kilomètres de Longues-sur-Mer), dans la Manche.

En Corse, c’est la plage de Saleccia dans le nord de l’île qui est choisie pour y tourner le débarquement censé se dérouler sur la plage d’Omaha Beach. L’équipe de tournage accède à la plage corse en hélicoptère, palliant de la sorte les difficultés d’accès à celle-ci. Une édition des actualités françaises présente ce tournage, le journaliste – Robert Bellair – traduisant le titre anglais du film par « Le plus long jour » ! Une erreur qui ne manque pas de sel quand on sait le succès planétaire que ce film se prépare à connaître. Toujours est-il que, pendant le mois d’août 1961, la plage de Saleccia est interdite aux baigneurs pour faciliter le tournage. Une situation particulière que Robert Bellair qualifie d’insolite… Il est indubitable que la fermeture d’une plage touristique pendant l’été a de quoi surprendre. Pour le comprendre, il faut se replacer dans les années 1960 et considérer le prestige que représentent ce tournage et ses retombées. En attestent les clichés pris à l’époque et que l’on peut aussi consulter sur le site de l’ECPAD (Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense). En effet, comme le précise la page du site de l’ECPAD consacrée aux prises de vues du tournage du film à l’île de Ré : 

« En 1961, les armées française, américaine et britannique apportent leur concours au tournage du long métrage “Le Jour le plus long” (Titre original : “The Longest Day”) produit par Darryl Zanuck. Des scènes du débarquement du film ont été tournées sur des plages de l’île de Ré, la Conche des Baleines à Saint-Clément-des-Baleines, et à Rivedoux ».

On peut y consulter 29 photographies du tournage dont les 6 ici sélectionnées. Mais dans les archives de l’ECPAD, accessibles en ligne, on peut consulter bien d’autres images issues des tournages en divers lieux. Elles sont d’ailleurs en couleur ou en noir et blanc..

©Jean Bouvier/ECA/ECPAD/Ref. F 61-419 R1
©Jean Bouvier/ECA/ECPAD/Ref. F 61-419 R1
©Jean Bouvier/ECA/ECPAD/ Ref. F 61-419 R6
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©Jean Bouvier/ECA/ECPAD/F 61-419 R12
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Sur l’île de Ré aussi, ce sont des scènes du débarquement qui sont tournées et pour lesquelles les plages concernées sont aménagées : des maisons aux façades normandes sont posées et le phare des Baleines qui domine la plage de la Conche-des-Baleines est masqué par un ensemble de constructions allemandes en carton. Le tournage se déroule en octobre et novembre 1961, au cours d’une période où le site est libéré de ses touristes10.

« Il [Darryl F. Zanuck] débarque donc sur l’île, accompagné de plusieurs centaines de figurants, pour la plupart des GI encore basés à La Rochelle. Et, le soir venu, le producteur et les réalisateurs regagnent le continent afin de visionner les rushes à L’Olympia, la salle de cinéma du Café de la Paix » (Pascal Mateo, « Une star du septième art », Sud Ouest, 29/06/2006).

Le 2 juin 2004, à proximité de la commémoration des 60 ans du débarquement, Frédéric Zabalza pour le quotidien régional Sud Ouest donne la parole à des Rétais qui ont assisté au tournage :

« “On entendait les tirs, les bombardements, c’était poignant. Avec mon cheval et ma charrette, j’allais ensuite relever les morts sur la plage. C’étaient des cadavres postiches bien sûr !”, sourit Léon Massé, ancien cultivateur à Saint-Clément. “Le tournage créait beaucoup de remue-ménage à l’époque. Mais c’était très amusant”, se souvient-il ».

L’année suivante, cette fois-ci à l’occasion de la commémoration des soixante ans de la fin de la guerre, une exposition photographique est présentée par le Club villageois de Saint-Clément-des-Baleines dans la salle municipale. Y sont accrochés des clichés de blockhaus et autres constructions qui rappellent la présence allemande, en même temps que sont exposées des photographies du film Le Jour le plus long. Si l’alliance entre les deux sujets est logique, elle confirme toutefois la place que le film a acquise sur l’île et dont on retrouve la trace dans quelques articles au fil des années.

« Les fortifications militaires attirèrent le réalisateur Daryl Zanuck sur cette plage mythique pour le tournage du film “Le Jour le Plus Long”, en 1961. Âgé de 86 ans, Léon Massé, ancien maire de Saint-Clément, se souvient de “milliers de villageois qui fonçaient à vélo vers la plage pour assister en direct à la reconstitution de l’opération Overlord.” Le “pas Zanuck”, qui permet d’accéder désormais à la plage de la Conche, est l’ultime trace de cette réalisation hollywoodienne sur l’île » (« Sous les galets la plage », Sud Ouest, 23/07/2009).

Si l’engouement est attesté par des témoins, il est parfois assorti d’une once d’exagération. En 2011, par exemple, on peut lire : « La Conche est célèbre. Normal, elle est la plage du Débarquement. Pas celui de Normandie, celui de Darryl F. Zanuck, qui choisit, en 1961, de poser ici ses caméras pour tourner la plupart des scènes du film Le Jour le plus long. » (« La Conche. On a débarqué sur l’île de Ré », Sud Ouest, 04/08/2011). Comme on a pu le voir, l’île de Ré est un des lieux de tournage du film. Il n’en est pas le seul ni même le principal. Pourtant, le 8 août 2015, un article de ce même quotidien titre « La plage du D-Day » pour évoquer la plage de la Conche et il qualifie les scènes qui y ont été tournées de mythiques. Autre anecdote significative, pour l’anniversaire des cinquante ans du tournage, un des anciens figurants, Jean-Claude Galloyer, qui « était élève à l’école d’enseignement technique de l’armée de l’air à Saintes » ; « a réuni une bonne centaine des anciens figurants de sa promotion sur la même plage de Rivedoux » (« Nos fusils étaient en contreplaqué », Sud Ouest, 24/07/2012), l’autre lieu de tournage de ce film sur l’île. D’une certaine façon, en se déplaçant sur les lieux du tournage du Jour le plus long, ces anciens de la base aérienne de Saintes sont parties prenantes d’une forme de patrimonialisation de ces derniers. Que ceux-ci soient situés à des centaines de kilomètres de distance des plages sur lesquelles s’étaient déroulés les faits historiques importe peu ; seule compte l’idée qu’une expérience singulière a été vécue en cet endroit par un groupe d’élèves militaires qui viennent partager leurs souvenirs. Même remarque pour un reportage diffusé sur France 3 le 5 juin 2014, où le plaisir et la fierté d’avoir fait partie de la production cinématographique restent présents. Les années ont passé mais les témoins semblent toujours aussi étonnés d’avoir vécu cette expérience de tournage.

Quand la destruction de la dune brouille la question patrimoniale

Dès 2009, figurent dans la presse régionale les craintes des élus quant à la fragilisation des dunes. Ainsi, en évoquant conjointement les traces de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et celles du film de Darryl F. Zanuck, ce sont souvent les inquiétudes quant à l’érosion qui s’expriment. Est alors envisagée la destruction de 2 blockhaus :

« La dune Zanuck a été mangée sur 24 mètres en trois ans. Les élus de Saint-Clément-des-Baleines reconnaissent qu’il y a urgence à remettre en état cette partie du littoral. “Nous construisons des enrochements, afin de protéger les dunes des effets destructeurs de la houle, et nous allons démolir deux petits blockhaus qui provoquent une concentration de forts courants marins”, prévient le maire de la commune » (« Sous les galets la plage », Sud Ouest, 23/07/2009).

7 ans avant la démolition des 4 blockhaus évoqués en préambule, le sujet est déjà sur la table. Dans les années qui suivent, le secteur du Pas de Zanuck est évoqué pour le film qu’il incarne en même temps qu’il témoigne des effets du déplacement du trait de côte. Un article de Sud Ouest publié le 5 juin 2013 et intitulé « L’île de Ré, d’Oléron et d’Aix face au recul des dunes » est clairement significatif du rapprochement opéré entre les deux thématiques :

« Si Darryl Zanuck revenait sur la plage où il a tourné “Le Jour le plus long” voici un demi-siècle, il ne la reconnaîtrait pas. Sans cesse soumise aux assauts des vents d’ouest, la dune de la conche des Baleines qui s’aligne sur près de 3 kilomètres n’a cessé de reculer. “Rien que depuis que je suis arrivé à la mairie en 2008, elle a reculé de 30 mètres à cet endroit-là”, explique Gilles Duval, le maire de Saint-Clément. Cet endroit, c’est le pas de Zanuck, du nom du réalisateur américain. L’accès y est provisoirement fermé, en raison d’un “effet Venturi” qui a isolé la passerelle sur un épi de sable qui peut à tout moment s’effondrer ».

D’aucuns s’inquiètent alors des bouleversements que l’île connaîtra probablement tout en s’efforçant de rester optimistes :

« Depuis le passage de la tempête Xynthia, certains s’interrogent : qu’adviendra-t-il de la “belle adorée” dans vingt ou cinquante ans, lorsque les effets du réchauffement climatique auront décuplé ? Cette terre perdue de la Charente-Maritime, située en partie sous le niveau de la mer, ne risque-telle pas de disparaître, ne laissant à ses amoureux que les souvenirs des films qui l’ont célébrée ? En attendant, chacun peut faire sienne la réplique de Michel Robin dans Les Maris, les femmes, les amants, citant une lettre de Stendhal à Mérimée : “Maintenant, je ne veux plus collectionner que les moments de bonheur. Sur l’île de Ré, ils sont innombrables” » (« L’île de Ré belle adorée », Sud Ouest, 23/06/2016).

Lorsque le chantier commence en 2016 et que des articles paraissent dans la presse régionale, l’évocation des blockhaus signale là encore le tournage du film. Dans la Charente Libre (« Derniers jours de plage pour les blockhaus de Ré », 29/09/2016), en accroche à l’article, on peut lire : « Parce qu’ils accentuent l’érosion de la dune, quatre blockhaus rétais de la conche des Baleines sont voués à destruction. Ils avaient servi au décor du film “Le Jour le plus long” ». Cinq photographies illustrent l’article : l’une dans laquelle un couple est allongé sur une serviette posée à côté d’un des blockhaus concernés ; l’autre où un groupe de promeneurs vient voir les constructions avant qu’elles ne disparaissent ; une où des gravats s’amoncellent sous les assauts de la pelleteuse ; une portant haut les couleurs de graffeurs. Une promeneuse explique : « Ce sont peut-être des rappels de la guerre, mais aujourd’hui, ils font surtout partie du paysage. Mes souvenirs y sont attachés. Mon fils fait partie des grapheurs qui les ont tagués.» Si l’article donne la parole à ceux qui espèrent la destruction des constructions pour assurer la sécurisation, il fait également parler ceux qui s’interrogent :

« La sécurisation de la plage, la protection de la dune, Sébastien et Claire veulent bien entendre ces arguments. Mais ces deux Poitevins, qui sont aussi venus immortaliser les blockhaus, manifestent quand même leur déception. Tous deux sont passionnés d’histoire, “en particulier de bunker-archéologie”, précise Sébastien. “Des bunkers comme ça, il est vrai qu’il y en a beaucoup d’autres. Ils étaient fabriqués en série sur un même modèle. Mais ceux-là sont ceux du film Le Jour le plus long !” Voilà ce qui confère une particularité au site. Le fait est à ce point entré dans l’histoire rétaise que le chemin d’accès à la plage s’appelle passage Zanuck, nom du producteur de cette vaste fresque cinématographique retraçant la bataille de Normandie de juin 1944 ».

Un argument que récuse Stéphane Le Lay, responsable patrimoine à la communauté des communes, qui précise que « à l’écran, ce sont surtout de faux blockhaus que l’on voit. Un décor de carton-pâte érigé en 1961 pour les besoins du tournage ». Quant à Lionel Quillet, président de la communauté de commune, il argumente :

« En rasant quatre blockhaus, nous ne manquerons pas pour autant de vestiges du Mur de l’Atlantique, fait valoir Lionel Quillet. Certains sont d’ailleurs bien plus intéressants que ceux-là. Je pense à la batterie Kora Karola et sa tour de visée de 23 mètres de haut. Nous avons en projet d’aménager ce site où beaucoup de gens vont, même si c’est encore un terrain militaire interdit au public ».

À ces arguments, est ajoutée l’annonce que les blockhaus « ont été photographiés sous toutes les coutures et les dimensions des blockhaus voués à la destruction ont été modélisées pour pouvoir ressurgir en 3D sur écran ». Dans Sud Ouest, ce débat est développé dans un article (« Faut-il sauver les bunkers du Reich ? ») qui paraît le même jour. Illustré par une photographie montrant les effets de la pelleteuse, l’article donne aussi la parole à des spécialistes du secteur : Hervé Sinquin, directeur du musée-bunker de La Rochelle11 et Jérôme Prieur, auteur d’un livre remarqué, Le Mur de l’Atlantique, monument de la collaboration (2010) et d’un documentaire diffusé la même année sur ce sujet. L’un comme l’autre expriment des réserves quant aux travaux qui ont commencé et s’inquiètent qu’ils ne favorisent un oubli de l’histoire, dont celle de la collaboration, avec l’implication de 15 000 entreprises françaises dans la construction du Mur de l’Atlantique. Là encore, comme on peut souvent le lire, comparaison est faite avec la Normandie qui préserve ce patrimoine (voir en ces pages l’article consacré à cette question : « Normandie, là où tout a commencé »). Tel est le propos de Stéphane Calonnec12, alors étudiant à La Rochelle :

« Les effroyables combats de Normandie conditionnent le respect profond des installations du mur de l’Atlantique en tant qu’elles devinrent des symboles des milliers de soldats alliés ici déchiquetés. Chez nous, le mur n’a pas fourni son lot de cadavres pour satisfaire l’aspect commémoratif, et l’on ne se rappelle les bunkers que comme des “guérites de Boches”. Mais, en somme, le mur de l’Atlantique est encore bien trop allemand pour pouvoir jouir d’un statut de sujet d’étude dans notre canonique histoire de France. »

Les derniers blockhaus de la plage
Les derniers blockhaus de la plage
Le phare des Baleines sur l'île de Ré
Le phare des Baleines sur l'île de Ré

Et maintenant ?

Sur l’île de Ré, les bunkers du Mur de l’Atlantique font plus partie du décor qu’ils ne sous-tendent une politique de patrimonialisation. Par exemple, un camping, Le Cormoran, situé à Ars-en-Ré, partage sur son site quelques informations sur des lieux où l’on peut voir des bunkers. Sur le site Destination île de Ré, on peut lire là aussi une rapide évocation de ces constructions :

« Toujours au nord, la plage de la Conche des Baleines débute quelques centaines de mètres à l’est du phare pour se terminer au niveau de la pointe de Lizay sur la commune des Portes-en-Ré. Faisant partie des plus belles plages de l’île, elle offre l’occasion de profiter de son sable fin et de ses eaux aux couleurs dignes d’un lagon réunionnais. En bordure de celle-ci, on trouve de belles dunes abritant certains des fameux blockhaus du Mur de l’Atlantique. N’hésitez pas à vous baigner en famille : la plage est surveillée en juillet et août ».

Précisément sur cette plage, avant même d’emprunter le Pas de Zanuck, des panneaux expliquent les raisons pour lesquelles des blockhaus ont été détruits mais rien n’est dit sur leur construction. Pourtant, ailleurs sur l’île, par exemple entre le Bois-Plage et la Couarde, un circuit est aménagé ; il serpente au milieu des constructions allemandes qui sont présentées par des panneaux. Le circuit surplombe une longue et belle étendue de plage. Plus près du pont par lequel on entre sur l’île de Ré, au Fort de la Prée, des explications sont données sur le blockhaus d’observation ou celui de télécommunication que les Allemands ont ajoutés aux constructions françaises existantes.

Entre le Bois-Plage et la Couarde

Le circuit entre le Bois-Plage et la Couarde
Le circuit entre le Bois-Plage et la Couarde

En revanche, à la Conche-des-Baleines, la destruction de constructions allemandes et le maintien d’autres – dont une transformée en maison d’habitation – ne fait l’objet d’aucune précision.

La maison d'habitation de la Conche des baleines

D’une certaine façon, hormis le film qui en garde une trace – tronquée toutefois par l’ajout de bunkers dans le champ de la caméra – la présence allemande en ce lieu est invisibilisée. Mais la consultation d’un guide – toujours en vente en 2025 – et éditée en 2012, L’Île de Ré, île fortifiée, montre combien le littoral a changé, spécialement à la Conche des Baleines, les photographies dévoilant un chapelet de bunkers aujourd’hui disparus. Et si cette documentation est intéressante pour situer dans le temps l’évolution du littoral, il est dommage que ce changement ne soit pas plus mis en perspective, à l’entrée des sites par exemple. Certes, les plagistes n’ont pas toutes et tous une appétence pour l’histoire, mais pour ceux et celles qui sont sensibles à ces questions, disposer d’informations sur les lieux qu’ils et elles fréquentent peut enrichir leur séjour… À l’île de Ré comme ailleurs !

  1. Tous types de rôles confondus, du plus modeste au plus visible, on comptabilise 23 000 acteurs et actrices qui ont participé au film.
  2. Frédérique Baillon, « La genèse du Jour le plus long (1962). De la vérité historique à la représentation cinématographique », in : Jean-Luc Leleu, dir., Le Débarquement. De l’évènement à l’épopée, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, p. 147-157.
  3. Jean-Luc Leleu, « "L’année 1944, le 6 juin tombait un mardi…" Réflexions en guise de conclusion », in : Jean-Luc Leleu, dir., Le Débarquement. De l’évènement à l’épopée, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, p. 277-297.
  4. Nicolas Aubin, Le Débarquement. Vérités et légendes, Paris, Perrin, 2024.
  5. Dans la note 14 du chapitre rédigé par Frédérique Baillon dans l’ouvrage dirigé par Jean-Luc Leleu, La Genèse du Jour le plus long. De la vérité historique à la représentation cinématographique, la chercheuse évoque l’ambiguïté du récit de Kieffer laissant croire à la prise du casino de Ouistreham en juin 1944 (voir infra).
  6. Les Spitfire sont des avions de chasse monoplaces qui ont été beaucoup utilisés par les Alliés et les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces avions sont restés en service jusque dans les années 1950.
  7. Une version colorisée du film paraît à l’occasion du 50e anniversaire du débarquement.
  8. Dans le film, le casino de Ouistreham fait l’objet d’en assaut impressionnant lors de l’attaque de la ville. En réalité, le casino avait été bombardé par les alliés 2 ans plus tôt. Pour des raisons cinématographiques, Darryl F. Zanuck le fait reconstruire pour le tournage, laissant entendre qu’il s’agissait là d’une demande française (Chauvet, 1994, cité par Launey, op. cit., p. 79).
  9. Parmi les nombreuses erreurs historiques qui émaillent le récit du jour le plus long, il en une, connue, qui concerne Sainte-Mère-Église. Dans le film, le parachutiste John Steele (1912-1956) reste accroché par son parachute au clocher du village et assiste, évidemment impuissant, à la mort de ses compagnons, tué l’un après l’autre sur la place de l’église par les Allemands. Dans l’histoire, ce dernier serait tombé de l’autre côté du clocher et n’aurait donc pas pu voir la scène. Il reste dans cette position inconfortable pendant deux heures environ et non 10 comme le laisse entendre le film. Et si, dans la fiction, il devient sourd à force d’entendre les cloches carillonner à proximité de lui, celles-ci n’étant pas à l’époque électrifiées, il est improbable qu’il ait subi ce sort. Pour autant, là est la version du Jour le plus long qui circule dans l’imaginaire commun, la commune de Sainte-Mère-Église ayant même dressé sur le clocher un mannequin de John Steele qui participe de la légende. Deux artistes, Blesea et Baby K., ont eux aussi peint cette histoire en 2017 sur un blockhaus de la batterie du Brulay dans le Cotentin et dont il reste quelques traces (voir l’article sur Blesea en ces pages). D’ailleurs, John Steele a plusieurs fois été invité dans la commune lors des moments commémoratifs. À l’origine, cette anecdote figure dans le livre de Cornélius Ryan qui l’a rédigée après que John Steel ait répondu au questionnaire qu’il avait envoyé aux vétérans pour savoir où ils étaient et ce qu’ils faisaient le 6 juin. Après le livre et après le film, ce soldat est devenu une célébrité bien que son témoignage ait été parfois mis en doute.
  10. Si octobre et novembre ne sont pas des mois d’affluence, il faut ajouter que pour se rendre sur l’île en 1961, on doit emprunter un bac, un pont n’ayant été construit qu’en 1987 avec une mise en circulation l’année suivante.
  11. Hervé Sinquin a été le premier à valoriser le bunker de La Rochelle avant de vendre l’espace à Marc et Luc Braeuer qui l’ont aménagé à partir de 2012 avec une ouverture au public en 2013. Voir en ces pages l’article consacré à ces deux personnalités : « Le Grand Blockhaus de Batz-sur-Mer ».
  12. Membre du Comité de Libération Seudre Oléron, il est partie prenante en 2025 d’un projet de valorisation de bunkers sur l’île d’Oléron dont 5 portent des QR codes permettant de consulter des bandes audio et des vidéos racontant l’histoire de l’occupation. Ce projet résulte d’un partenariat de l’association avec, entre autres institutions, la communauté des communes de l’île d’Oléron. Il s’inscrit dans le cadre de la commémoration de la libération des 80 ans de l’île et a donné notamment lieu à la création d’un site internet : https://bunkers-oleron.fr.

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