
Quand un Musée-mémorial rend hommage
aux victimes de la bataille de l'Atlantique
À Camaret-sur-Mer, dans la presqu’Île de Crozon, dans un bunker de la batterie de Kerbonn à la pointe de Pen Hir, est installé depuis 1991 le Musée mémorial international de la Bataille de l’Atlantique qui rend hommage à tous les marins qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, ont perdu la vie en mer. L’association du Musée mémorial de l’Atlantique qui en gère le fonctionnement a obtenu de Jean Beaufort, alors député-maire de Camaret, une concession – moyennant l’acquittement d’une redevance annuelle – l’utilisation du blockhaus, du chemin d’accès, et d’une aire de stationnement. Dans un article du Télégramme (« Pen-Hir. Un blockhaus-musée depuis 1991 », 13/02/2017), l’actuel président de l’association – Jean-Luc Person – explique : « Ce blockhaus est unique sur le mur de l’Atlantique : c’est une variante du plan type du SK 270. Il a été mis en service en 1943 et désaffecté le 18 septembre 1944 ». Les travaux d’aménagement ont alors permis de recevoir du public et, parallèlement, de valoriser le site historique sur lequel il prend place. Dans les années qui ont suivi, d’autres ont été entrepris pour réparer les dommages du vieillissement.





Faisant face à la mer d’Iroise sur laquelle il offre une magnifique vue dégagée, le site témoigne d’une temporalité plurielle (écouter Océane, site sur lequel le site est présenté). D’une part, les constructions allemandes se mêlent à la batterie de Kerbonn dont la construction a commencé en 1989 et qui faisait partie du goulet de Brest. D’autre part, les pratiques commémoratives voient cohabiter une imposante croix de Lorraine – la Croix de Pen-Hir1 ou Monument aux Bretons de la France libre – érigée entre 1949 et 1951 à la demande du général de Gaulle pour honorer les marins bretons ralliés à la France Libre, et le Musée mémorial. Inaugurée le 15 juillet 1951 en présence du général de Gaulle, la croix a été classée monument historique en 1996. Dès son arrivée sur le site, le visiteur est informé de la mission et des valeurs de celui-ci :
« Ce mémorial n’est pas fait pour relater des exploits guerriers. Il présente seulement la cruauté sans gloire d’une guerre en mer pour le transport maritime où 30 000 sous-mariniers allemands, à l’âge moyen de 20 ans, sont décédés et où ont péri 45 000 hommes dans la marine marchande ».
En fait, cette mission est au cœur du projet défini par une personnalité, Jean-François Quéau (1933-2011) qui, jusqu’à son décès en 2011, a joué un rôle important dans la structuration du lieu. Lors de l’hommage qui lui a été rendu le 4 mai 2013 au Musée mémorial, étaient présents aux côtés de sa famille et de ses amis, des représentants de la commune, de l’Office du tourisme, du monde militaire et du monde associatif. Une plaque a été dévoilée. Elle comporte un texte rédigé par le poète Jean-Yves Le Guen (1925-2015), ami de Jean-François Quéau et co-initiateur du projet de Musée mémorial, qui met en exergue les valeurs défendues par ce dernier.
« De ce blockhaus ici levé
Où le Fort de Kerbonn, naguère
Faisait déjà craindre la guerre
Jean-François QUEAU, homme né
Pour écrire la triste histoire
Des héros comme des sans-gloire
A fait un musée-mémorial
Pour dire que rien n’est fatal.
La paix est le bonheur suprême.
Qu’on le dise, dans un poème
Aux hommes de tous les horizons.
Que ne tonnent plus les canons.
Plus d’orphelins et plus de veuves !
Plus de mutilés ! Plus d’épreuves !
C’est ce qu’a voulu dire, ici
Jean-François QUEAU, le maudit
D’un destin dont il fut victime.
La guerre
est le plus grand des crimes ! ».
Jean-Yves Le Guen



Gérard Hennemasse (2011-2014) puis Jean-Luc Person (depuis 2014) ont succédé à Jean-François Quéau. C’est le second ainsi que le secrétaire de l’association, Nicolas Domergue, que j’ai rencontrés le 21 avril 2025 et qui m’ont fait visiter le Musée mémorial en m’en racontant plusieurs aspects.

La Bataille de l’Atlantique
La dénomination « bataille de l’Atlantique » est attribuée à Winston Churchill et désigne tous les combats qui se sont déroulés entre le 3 septembre 1939 et le 8 mai 1945 dans l’Atlantique Nord avec un élargissement à ceux de l’Atlantique sud, de l’océan arctique, de la Méditerranée ou de l’océan indien. Dominer l’Atlantique était indispensable à la survie de la Grande Bretagne et à son combat contre l’Allemagne nazie. En 1939, l’Angleterre importait 55 millions de tonnes de denrées par la mer et utilisait la plus grande flotte du monde. Ainsi, durant toute la guerre, les U-Bootes allemands mais aussi les destroyers et l’aviation n’ont-ils pas cessé d’attaquer les navires acheminant tout type de ravitaillement. Hormis leur protection par des destroyers, le déplacement par convois ou la mise en service de navires spécialisés, les Alliés, dont rapidement les Anglais, ont aussi armé des cargos et formé des marins civils au combat.
Mais l’utilisation par les Allemands des bases sous-marines installées sur la côte française – Brest, Lorient, Saint-Nazaire, La Pallice/La Rochelle, Bordeaux – ont mis à mal ces dispositions, les U-Boots pouvant être réparés et mis à flot à proximité des lieux de combat. Ceci d’autant que, dans le cadre du blocus total des îles britanniques, Hitler ordonna le 17 août 1940 que soient coulés tous les navires, quelle que soit leur nationalité. Au fur et mesure des mois, les U-Bootes étendirent donc leur champ d’action vers le centre et l’ouest de l’Atlantique, après s’être concentrés un temps sur l’est de l’Atlantique. Beaucoup d’hommes de nationalités diverses – Allemands compris – ont donc perdu la vie dans l’Atlantique, que leurs navires partent d’Angleterre pour rejoindre d’autres pays – dont l’Union soviétique – ou qu’ils tentent d’y accoster, qu’ils dépendent de la marine marchande ou de la marine militaire.
Toutefois, les pertes humaines et matérielles de chaque adversaire furent différentes selon la période. Par exemple, les commandants de U-Bootes qualifièrent la période courant de juillet à octobre 1941 comme étant une « heureuse époque » pour l’Allemagne. À ce moment-là, les pertes des Alliés étaient considérables (217 bâtiments) tandis que seuls deux U-Bootes avaient été détruits. Mais le décryptage par les Alliés des messages Enigma – une machine électromécanique de chiffrage, surtout utilisée par les Allemands – envoyés par et en direction des U-Bootes permit d’ajuster la circulation des navires pour les mettre à l’abri, faisant drastiquement baisser le nombre de disparitions. C’est à la fois grâce à la capture par la Royal Navy de documents trouvés sur des U-Bootes échoués et au travail acharné des services de renseignement et des scientifiques dont le génie des mathématiques, Alan Turing (1912-1954), de ses équipes et collaborateurs, que le décryptage fut rendu possible. Cette découverte changea la donne au printemps 1943 en permettant de repérage des U-Bootes dont l’avantage tenait beaucoup à ses attaques surprise. Dans un documentaire de Christopher Sykes (1992) – Vie et mort de l’étrange Dr Turing – un ami d’Alan Turing, Shaun Wylie, confie : « Mieux valut que la sécurité ne sût rien de son homosexualité : il aurait sans doute été viré et nous aurions perdu la guerre… ». On peut lire ces propos dans Le Journal du CNRS, sous la plume de Charline Zeitoun (« Alan Turing, génie au destin brisé », 07/06/2019).
« Grâce à la mobilisation de tous les moyens, les pertes des sous-marins se mirent à augmenter de manière vertigineuse, tandis que les résultats obtenus contre le tonnage allié s’effondraient. Au cours du mois de mai, les U-boote ne purent détruire que 12 cargos. Ce succès dérisoire fut chèrement payé par la perte de 8 submersibles. L’étendue des pertes et les récits des survivants entraînèrent une baisse du moral des sous-mariniers. Beaucoup de bâtiments renoncèrent à poursuivre leurs attaques à fond, ce qui ne les empêchait pas d’être détectés et surpris en surface par des navires ou des avions. Rien qu’au cours du mois de mai, 41 U-boote disparurent, 25 furent coulés par l’aviation ou les forces de surface, 7 autres, lors de la traversée du golfe de Gascogne, furent victimes d’avions équipés de radar. Dönitz finit par reconnaître sa défaite et il décida de retirer tous les sous-marins de l’Atlantique Nord »2.
Finalement, les Allemands perdirent la Bataille de l’Atlantique. Et si les pertes humaines et matérielles qu’ils ont provoquées étaient considérables, les leurs l’ont été également, le taux de celles-ci avoisinant 75%.
« Les Alliés avaient définitivement gagné la bataille de l’Atlantique et se trouvaient maintenant en mesure de passer à la contre-offensive sur toute la surface de l’océan. Désormais, les U-boote se battirent avec l’énergie du désespoir. Mais leurs chances de survie ne dépassaient pas une sortie et demie » (ibid. : p. 16).


Engagement et mémoire
Comme évoqué ci-dessus, l’histoire du Musée mémorial de la Bataille de l’Atlantique doit beaucoup à son premier directeur qui, par ailleurs, a présidé l’association du Mémorial de la Bataille de l’Atlantique. Fondée le 6 mai 1990, l’association est entrée en activité le 2 janvier 1991. Comme on peut le lire sur la page Facebook de l’association, à la date du 6 juillet 2020, elle a pour but de :
Outre la défense et la promotion de valeurs, dès l’ouverture du musée, Jean-François Quéau a œuvré à enrichir la collection du musée et parallèlement, à en définir matériellement le chemin d’accès. La présence d’un canon ou celle des gigantesques ancres marines qui sont disposées de part et d’autre du parcours ont d’ailleurs fait l’objet de longues négociations avant d’être installées à Camaret. En 2003 par exemple, est annoncée dans la presse l’arrivée sur le site du canon du sous-marin allemand U 766 qui, à l’époque, se trouvait dans les ateliers de la société Mécamar, sur le sillon3. Ce canon avait été saisi en 1944 par la Marine nationale et conservé au Centre de formation maritime d’Hourtin. Convoité par d’autres villes (Bordeaux et Blaye), la détermination de Jean-François Quéau a fait la différence. Après 3 années de tractations, le canon a rejoint le Musée mémorial. Et en 2004, Jean-François Quéau a entrepris des démarches pour récupérer le canon du cuirassé Richelieu, qui se trouvait à l’époque près de la porte de Tourville dans le port militaire de Brest. Là encore, la presse parle de cette affaire, précisant que le directeur du Musée mémorial « reçoit le soutien de Marc d’Estienne d’Orves qui a entrepris des démarches auprès du ministre des Armées, Michèle Alliot-Marie. Celles-ci semblent en très bonne voie. Il espère aussi acquérir l’ancre du Clémenceau, visible au parc à chaînes de Toulon » (Ouest France, 22/07/2004). En 2007, la ministre défend l’idée qu’une ancre du porte-avions Clemenceau puisse cette fois-ci rejoindre le musée, après un séjour à l’arsenal de Toulon.




Dans le Télégramme (24/03/2007), Jean-François Quéau évoque l’importance du devoir de mémoire envers les hommes mais aussi les navires et les pièces dont ils sont composés :
« Un bateau, ça vit, ça meurt, emporté par les tempêtes des guerres ou disparu dans la brume du temps ; même les plus grands sombrent dans le sillage de l’oubli après de glorieux services. Qui se souvient du “Courbet”, cuirassé de 22.000 t lancé à Brest en 1913 et sacrifié en 1944 face aux plages du débarquement en Normandie ? Du “Normandie”, gloire des chantiers de Saint-Nazaire, du “Liberté”, “Ile de France” et tant d’autres, disparus de la mémoire collective pendant que le “France” agonise, envasé dans la baie d’Alang aux Indes ? ».
La détermination de cette personnalité à voir ainsi valorisées des traces historiques en même temps que des hommes valeureux est probablement à relier à son engagement militaire pour lequel, en février 2008, il a été décoré de la croix du combattant volontaire.
« La croix du combattant honore les hommes et les femmes “qui volontairement ont offert leur vie pour sauvegarder les droits et la liberté de leur patrie, et sacrifié délibérément leurs intérêts personnels à l’intérêt général” » (Ouest France, 29/02/2008).
Remise par le capitaine de frégate Bernard Quénéhen, délégué militaire départemental, cette distinction rendait alors hommage à l’engagement de Jean-François Quéau au Vietnam, tandis qu’il était un tout jeune homme, âgé de 18 à 20 ans.
En plus de sa détermination à sauver des pièces de navires et à défendre la mémoire des victimes de la guerre, Jean-François Quéau s’est aussi très fortement impliqué dans la cause des pupilles et orphelins de la nation, une cause qu’il connaissait de l’intérieur puisqu’il avait lui-même ce statut. Le 18 juin 2004, un plaque est dévoilée sur le site du Mémorial. Elle rend hommage « aux pupilles de la nation, orphelins de guerre et du devoir ». Elle figure aux côtés d’une autre plaque, dédiée pour sa part aux « 638 navires marchands français perdus pendant la seconde guerre mondiale ». Par ce geste et par le prisme de l’engagement de Jean-François Quéau à ce sujet, le Musée mémorial est donc aussi devenu un lieu de recueillement pour les familles. C’est ce que rappelle en 2011 Rémy Morvan, président départemental de l’Association nationale des pupilles de la nation orphelins de guerre ou du devoir (ANPNOGD), dont Jean-François Quéau avait d’ailleurs été vice-président puis président d’honneur. En 2015, par exemple, lors d’un dépôt de gerbe organisé par la délégation du Finistère de l’ANPNOGD, le maire actuel – François Sénéchal – et l’ancien maire de Camaret – Michel Le Page –, tous deux pupilles de la nation, accueillent les membres de l’association. Rendant hommage au travail de Jean-François Quéau, Michel Le Page déclare :
« Notre drapeau authentifie notre qualité d’héritiers de ceux qui sont morts pour la France. Nous avons plus de 150 morts dans notre association créée en 2003. Notre devoir est de garder leur place aux disparus » (Le Télégramme, 19/06/2015).
Évoquant les combats de l’association, il ajoute :
« Les dispositions concernant les orphelins dont les parents ont été victimes des persécutions laissent en revanche hors de toute indemnisation les pupilles dont les parents ont l’acte décès portant la mention “Mort pour la France”. Cette rupture d’égalité est douloureusement vécue. Il est temps aujourd’hui de réparer cette injustice. Sans elle, nous sommes les oubliés de l’histoire ».
Après son décès, le travail de Jean-François Quéau a perduré, non seulement dans les missions qu’ont poursuivies ses successeurs mais aussi dans la mémorialisation de celles-ci. Les commémorations qui se déroulent sur le site de Pen Hir rendent en effet systématiquement hommage à cette personnalité disparue dont le nom semble à jamais associé au lieu. Lui qui a œuvré à sortir des victimes de l’oubli se voit paré d’un souvenir pérenne, la mémoire de son combat étant étroitement intriquée à celle des hommes que lui-même souhaitait distinguer.
Dispositif muséal
À l’extérieur du musée, le visiteur est frappé par la présence de gigantesques ancres comportant des poèmes dont celui gravé sur cuivre de Jean-Yves Le Guen, dédié aux Forces navales françaises libres : « Au Mémorial de Camaret, amis, ce n’est pas un secret, on fait l’apologie des Braves. C’étaient des marins fiers d’aller, pour défendre la liberté, fendre la mer, de leurs étraves… Il fallait bien que ces gars-là, on en parlât… ». Dans un article de Ouest France (13/06/2005), Jean-François Quéau explique à l’occasion de la réception de trois nouvelles ancres sur le site, confiées par l’arsenal de Toulon, qu’il veut « harmoniser la défense et la poésie ». Ils envisage les ancres comme
« le support de différents poèmes de Saint Pol Roux et d’une lettre adressée à Jean Moulin par le grand poète, victime de la dernière guerre. Les textes gravés sur cuivre, fixés sur les ancres, seront ainsi lisibles par tous les passants, randonneurs, visiteurs, scolaires, touristes. “Cette rencontre originale et surprenante a un effet pédagogique certain. Le contre-amiral Jean-Louis Lefebvre, président de la commission du Patrimoine de la Marine, lui-même juge cette initiative très riche en terme de Mémoire” conclut Jean-François Quéau ».
Dans la presse régionale (Le télégramme et Ouest France), on suit le cheminement de cette initiative, dont la gravure assurée par le CAT « Les papillons Blancs de Brest », et la mise en place de 13 plaques en juillet 2006. Quant aux poèmes, ils sont aussi rassemblés dans un ouvrage publié en 2007, consacré aux pupilles de la nation et aux orphelins de guerres et du Devoir. À l’extérieur du site toujours, est posé un monument qui représente une hélice et un safran. L’ensemble rend hommage aux Forces navales françaises libres et aux marins alliés et allemands, de la marine marchande et de la marine militaire, qui ont péri en mer durant la Seconde Guerre mondiale.








Au sein de l’espace muséal, des cartes et frises temporelles sont présentées qui permettent de suivre dans le temps et l’espace les pertes qu’ont subies la marine marchande mais aussi les sous-marins allemands. Ainsi le lieu offre-t-il une représentation de la bataille de l’Atlantique, fondée sur un équilibre entre les deux camps. En outre, il porte une attention particulière aux équipages des navires marchands dont on peut penser qu’ils ont été, d’une certaine façon, les oubliés de l’histoire et des hommages rendus. D’ailleurs, le Musée mémorial est soutenu par des compagnies de navigation internationales et par l’association des Capitaines au long cours, celle-ci ayant permis d’acquérir une plaque en hommage aux 45 000 marins marchands alliés disparus en mer entre 1939 et 1945.
Comme de nombreux autres musées, le Musée mémorial a bénéficié de dons, dont le pavillon norvégien offert par Olaf Olsen en août 2007, officier de l’ordre des chevaliers de la Légion d’honneur, président d’honneur départemental des médaillés de la Résistance, et membre du conseil d’administration national des médaillés de la Résistance. Par ce don, cette personnalité a souhaité rendre hommage aux marins norvégiens dont la flotte « a transporté la moitié du pétrole et de l’essence nécessaires aux opérations de guerre » (Ouest France, 31/08/2007). En 2008, c’est un porte-drapeau anglais de l’Association des Capitaines au long cours de la ville de Tauton, au sud de l’Angleterre, Albert Roy Cleverley, qui a fait don – par le biais de sa veuve – de deux ouvrages concernant la Seconde Guerre mondiale. C’est le correspondant local de Ouest France, Gilles Pape, qui s’est rendu à Plymouth pour recevoir le don.
Le public qui visite le Musée mémorial est composé, pendant la période scolaire, de jeunes scolarisés qui se rendent sur le lieu avec leurs enseignants. Dans le cadre des échanges entre le lycée de l’Elorn à Landerneau et le lycée Katedralskolan de Linköping, en Suède, une classe de terminal a visité le site pendant plusieurs années de suite avec des enseignants de français. Mais des associations se rendent aussi sur le site, telle l’Association des anciens marins de la Jeanne d’Arc. Ainsi, du mois d’avril jusqu’à la fin du mois de septembre, le Musée mémorial accueille-t-il plus de 5 000 visiteurs chaque année. À ce chiffre, il faut ajouter tous les randonneurs qui traversent l’espace extérieur du mémorial, s’y attardant pour lire les poèmes et les explications qui figurent en différents endroits. Le site est donc un lieu de passage important qui attire des touristes principalement attachés à s’enquérir de l’histoire du lieu et de ses missions, mais d’autres aussi, intéressés pas un espace comportant de nombreux vestiges de la Seconde Guerre mondiale qui surplombe de surcroît un magnifique paysage marin.
Et aujourd'hui ?
Jean-Luc Person est directeur du musée depuis 2014. Mécanicien maritime, il a fait une partie de sa carrière à Cherbourg. C’est sa rencontre avec Jean-François Quéau qui l’a sensibilisé aux questions historiques qui sont au cœur du Musée mémorial. En 2020, il a écrit un ouvrage avec Nicolas Lanvoc, La presqu’Île de Crozon. Dans la tempête de l’histoire, un texte fondé sur des témoignages de différents acteurs de l’histoire de la bataille de l’Atlantique. Ainsi peut-on lire les souvenirs d’officiers, de soldats, de civils – particulièrement un habitant du Fret –, qui évoquent le quotidien dans la Presqu’île durant l’occupation allemande. Dans un second livre Un Camarétois dans les Forces Navales Françaises Libres (2021), les deux auteurs reviennent cette fois-ci sur l’engagement du Commandant camérois Paul Despreaux (1909-1994) pendant la Seconde Guerre mondiale. Nicolas Domergue faisait quant à lui partie de la marine nationale. Passionné par le site sur lequel est implanté le Musée mémorial, il apprécie en assurer la visite guidée, revenant autant sur la période de la Seconde Guerre mondiale que sur des périodes qui ont précédé. Lors des déambilations, il est attentif au sol qu’il foule, repérant là un fragment de métal, ici une pierre aux formes insolites. Il simule un jeu de piste pour faire comprendre l’explosion d’un blockhaus lors de bombardements. En fait, les deux hommes partagent un même intérêt pour l’histoire et la nature. D’autant que, libérés d’une activité professionnelle, ils disposent de temps pour se consacrer à un Musée mémorial qui n’a pas changé depuis sa création, restant d’une certaine façon fidèle à son créateur, Jean-François Quéau.

Probablement se rend-on dans ce lieu pour y goûter une ambiance surannée où les objets, photographies, affiches de films, textes exposés se disputent la primeur. Mais on peut aussi le visiter en n’omettant pas de regarder ce qui n’est pas au centre de la visite mais en fait néanmoins le sel. Par exemple, dans une grande salle dont les ouvertures donnant sur la mer sont soulignées par de grandes baies vitrées, une vue splendide se détache. Sur la gauche, se profile la croix de Pen-Hir ; en face, c’est la mer d’Iroise d’un bleu profond qui s’étend ; au sol, Nicolas Domergue fait remarquer les traces de pattes de chien qui sont figées aux côtés de celles de bottes. L’hypothèse évidente est que chien et soldat ont foulé le béton avant qu’il ne sèche lors de la construction de ce bunker. Ailleurs, à l’extérieur du Musée mémorial, on trouve de nombreuses traces de même nature, donnant un peu à voir de l’époque où elles ont été figées dans la matière. Ainsi, bien au-delà du Musée, c’est le millefeuille de traces et la beauté du paysage dans lesquelles il prend place qui fait de la visite de l’ensemble une expérience historique et esthétique tout à la fois.




D’ailleurs, en 2017, des pupitres ont été déposés sur ce site et celui de Pen-Hir qui le jouxte, pour préciser les attentes et contraintes du visiteur sur ce site classé Natura 2000. Dans Ouest France (30/09/2017), Ségolène Guéguen, chargée de mission Natura 2 000 pour les sites de la presqu’île de Crozon, explique :
« Ces landes sont reconnues d’intérêt européen dans le cadre de Natura 2000, explique Ségolène Guéguen. Ces paysages sont typiques et magnifiques. Ils sont classés et protégés. En respectant les consignes de cheminement, et l’interdiction de cueillette, les visiteurs contribueront activement à la préservation de ce lieu ».

De plus en plus, les considérations environnementales, particulièrement celles relatives à la préservation de la biodiversité, cohabitent avec les missions de connaissance que défendent les promoteurs des sites historiques. Là, des circuits de circulation sont définis, ailleurs, des bunkers sont fermés et aménagés pour accueillir des chauve-souris. Indispensable à la survie des espèces, cette cohabitation favorise aussi la préservation des lieux historiques qui intègrent de la sorte un circuit de découvertes qui se déploie, comme c’est le cas à Camaret-sur-Mer, dans le respect des pierres et de la biodiversité.
Vidéo
Podcast
- L’architecte de la Croix de Pen-Hir est Jean-Baptiste Mathon ; le sculpteur, Victor-François Bazin.
- Macinthyre, Donald (Capitaine), 1984, « À la traque des U-Boote de l’Atlantique », Historia. Spécial, 451 H.S., p. 15.
- Ces ateliers ont été remplacés en 2012 par ceux de la société Presqu'île Mécanique marine.
